CENT ANS DÉJÀ 1916-2016

10Le 11 novembre, tout le monde honore la mémoire de tous ceux qui sont morts au service de la France : héros glorifiés ou inconnus obscurs oubliés.

En ce 11 novembre 2016, souvenons-nous de ce que fut l’année 1916 : « l’année de Verdun », mais pas seulement.

LES PRÉMICES

La guerre a été déclarée en août 1914 à l’Autriche-Hongrie.

Au début du conflit, près de 8.000 tunisiens débarquent en France. Ils sont engagés tout de suite entre août et septembre 1914. Ces jeunes recrues, à peine « formées », sont mêlées à une guerre totale. Le 22 août 1914, on compte déjà 27.000 hommes tués aux frontières, dont 10.000 à 15.000 soldats de la division d’infanterie coloniale mis hors de combat à Rossignol. Durant les premiers jours de la guerre, 125.000 français environ sont tués.

Les régiments de l’Armée d’Afrique, composés de Nord-africains, sont cités à l’Ordre de l’Armée, dès le 22 septembre 1914.

En raison de leurs qualités guerrières, ces troupes seront choisies pour participer aux combats les plus durs.

Après la Marne, du 6 au 12 septembre 1914, ces soldats vont s’illustrer dans toutes les batailles : en Champagne, à Verdun, dans la Somme. Il en sera de même sur le front d’Orient : en mars aux Dardanelles et en Octobre en Grèce.

Le 22 avril 1916, les Allemands utilisent pour la première fois des gaz asphyxiants à Ypres (Belgique) les ravages sont énormes.

L’année 1916 est incontestablement celle des batailles meurtrières de Verdun et de la Somme.

Le 21 février, la bataille de Verdun commence. Elle prendra fin le 15 décembre 1916, dix mois plus tard. Avec 700.000 morts, blessés et disparus, son bilan sera un des plus lourds de la guerre.

L’ANNÉE TERRIBLE

L’année 1916 peut être appelée l’année terrible. Les soldats combattent depuis 2 ans déjà dans des conditions abominables, « enterrés » dans les tranchées, sous la pluie et dans le froid : des milliers de pieds seront gelés, vivant dans leurs excréments, dormant, si possible, dans la boue en essayant de ne pas se faire mordre par les rats, couverts de poux, se relevant le corps tout blanc et tout fripé comme après un bain trop long. Ils ont tout, trop, enduré. Maurice Genevois, écrivain français, raconte les atrocités de la guerre : « Cette guerre est ignoble, j’ai été pendant quatre jours, souillé de terre, de sang, de cervelle. J’ai reçu à travers la figure un paquet d’entrailles et sur la main une langue à laquelle l’arrière gorge pendait … ». Ils n’en peuvent plus mais ils « tiennent ».

Le 23 juin, les Allemands sont aux portes de Verdun et lancent une attaque aux gaz toxiques. « Les gaz, les gaz, crient les soldats », en voyant exploser presque sans bruit, des obus qui laissent échapper des nuages de fumée. Tous n’ont pas leur masque à gaz, d’autres ne l’ont pas sous la main, alors, c’est la catastrophe : les yeux brûlés, les poumons en feu, la peau qui s’en va en lambeaux, les soldats sont immobilisés dans les tranchées que les assaillants « nettoient » à la grenade : pas de blessés, pas de prisonniers. Pourtant, les troupes françaises réussissent à se réorganiser et à arrêter l’offensive allemande.

Le 11 juillet, le Général Von Falkenhayn décide de lancer une ultime offensive, qu’il veut décisive pour s’emparer de Verdun et couper l’armée française en deux. Des milliers de canons tirent sans discontinuer des millions d’obus de tous calibres. Des villages entiers disparaissent et ne seront jamais reconstruit autour du fort de Souville où se trouvent les troupes Nord-africaines. D’ailleurs, qui n’y est pas ? Qui n’y va pas ? Le Défenseur de Verdun, le Maréchal Pétain a imaginé, de faire « tourner » les troupes du front le plus rapidement possible, avant qu’elles ne soient épuisées physiquement et moralement. Le long de la « Voie sacrée », une petite route stratégique reliant Verdun à Bar Le Duc, que les Allemands essaieront vainement de couper en la bombardant, les convois d’hommes, de ravitaillement, de munitions circulent sans cesse.

Le 24 octobre, le régiment de tirailleurs tunisiens est encore cité à l’ordre de l’armée pour avoir enlevé la ferme de Thiaumont, le village de Douaumont, participant ainsi à la reprise du célèbre fort, conquis par surprise le 25 février 1916.

Et puis les combattants alliés passent à la contre-attaque. Le fort de Vaux, célèbre pour sa résistance du 9 mars au 7 juin, qui ne s’est rendu qu’après avoir épuisé ses munitions et sa réserve d’eau, est repris fin octobre.

Du 20 au 30 octobre, le régiment fait son 4ème passage à Verdun. Le 26 octobre, les tranchées sont noyées sous une pluie d’obus, souvent de gros calibre, le régiment perd près de 50 % de son effectif et pourtant il ne manifeste aucune panique malgré la pluie. Quand il quitte le ravin de la Couleuvre, le 30 octobre au matin, il a perdu 200 hommes tués et plus de 600 blessés. 87 hommes ont disparu : certainement pas prisonniers mais avalés par la terre, réduits en bouillie par les obus.

Le 6 novembre, le régiment est cité à l’Ordre de l’Armée et son drapeau est décoré de la croix de guerre. A peine reconstitué, il retourne à Verdun du 11 au 19 décembre. Il s’empare de Vacherauville et de Bezonçaux mais il a encore perdu près de 63 tués, 326 disparus, 487 blessés et 526 hommes aux pieds gelés. Il est récompensé par la 3ème citation à l’Ordre de l’armée.

LES MÉCONNUS

Depuis l’été 1916, l’Armée d’Orient alliée combat les Turcs et les Bulgares, alignant 400.000 hommes face à 650.000 soldats ennemis, aux Dardanelles, puis à Salonique en Grèce.

En novembre 1916, les Compagnies du Train, formées d’anciens tirailleurs et d’anciens spahis embarquent à Bizerte. Ils doivent faire leur apprentissage de conducteurs de chariots attelés de mulets sur le terrain.

Il leur faut marcher sans relâche, sur des pistes à peine tracées, suivre les troupes, combattantes, dans des villages dévastés, pratiquement sans abris et sans repos. A l’arrivée, il faut d’abord panser les bêtes, les abreuver et les nourrir. Puis, réparer les harnais et enfin  penser à soi-même. Le ravitaillement ne peut pas être interrompu malgré les intempéries, l’état des routes, l’usure du matériel composé de chariots comme on en voit dans les films traitant de la conquête de l’Ouest aux Etats-Unis !, la fatigue et la misère physique des hommes et des bêtes sont énormes. Les conducteurs doivent redresser un chargement versé, encourager leur attelage à bout de forces. Ils relèvent les animaux tombés. Ils réparent et repartent. Ecrasés par la chaleur, arrêtés par la neige ou le verglas. Ils sont isolés pendant plusieurs jours. Ils se rationnent et respectent les vivres pour les combattants. Ils continuent à marcher à côté des mulets, lavant de quelques gouttes d’eau les yeux et les naseaux des bêtes épuisées. En Europe centrale, ils arriveront à parcourir 700 kilomètres en 33 jours. Ils ne tombent pas en pleine bataille, avec des blessures « glorieuses » mais, dans un coin d’hôpital, ils rendent leur dernier soupir, épuisés par la fatigue et le surmenage !

Bizerte aura vu passer 542 animaux, 250 voitures et 322 hommes. Qu’ils soient honorés, ces soldats de l’ombre, leur sacrifice est le même que celui des morts plus « héroïques », dont on parle et qu’on montre.

Alix MARTIN