Des Orchidées de Tunisie

Conférence du 14/02/2014

Les orchidées sont des plantes fascinantes pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’elles existent et qu’elles sont belles, à notre avis. Ensuite, parce qu’elles sont d’excellents indicateurs de la qualité d’un sol, car elles ne supportent pas les traitements mécaniques et chimiques de l’agriculture productiviste. Enfin, parce que ce sont des plantes « curieuses ». Elles sont connues depuis l’Antiquité, décrites par Théophraste et Pline l’Ancien, et étudiées au Moyen-Âge par les médecins et botanistes arabes qui les considéraient parfois comme des plantes médicinales.

Leur nom est hérité du grec « Ophrys » signifiant sourcil, et « orchis », testicule. Pour les botanistes, leur dénomination complète comprend la désignation du genre suivie de l’espèce, par exemple : Orchis italica, Ophrys speculum. Les orchidées ont aussi inspiré de curieuses légendes : l’Orchis morio est réputée aphrodisiaque, tandis que l’Ophrys tenthrediniphera, connue sous le nom de « meït a haï » (morte et vivante en tunisien), est censée rendre impuissants les hommes qui la consomment.

Présentation

Les orchidées forment une famille de plantes très évoluées. On estime qu’il existe entre 25 000 et 30 000 espèces d’orchidées dans le monde, dont une cinquantaine en Tunisie, en incluant les sous-espèces et les variétés. La grande famille des orchidées se situe parmi les « monocotylédones », des plantes à fleurs dont la plantule ne présente qu’un seul « cotylédon », qui produit la première feuille.

Les orchidées peuvent être « terrestres », comme toutes celles de Tunisie, « épiphytes » (vivant sur des végétaux sans en être des parasites) ou des « lianes », souvent présentes en régions tropicales. Un exemple bien connu d’orchidée est la vanille.

Les orchidées sont aussi des plantes vivaces qui ont colonisé presque tous les milieux, des rivages marins aux très hautes altitudes. Cependant, aucune espèce n’est connue au Sahara.

En Tunisie, toutes les orchidées sont des espèces terrestres. Elles disparaissent du début de l’été jusqu’à l’hiver pour l’Himantoglossum robertianum et jusqu’au début de l’année ou février pour l’Anacamptis collina. La période de floraison est maximale en mars-avril dans les zones proches de la mer, et en mars-avril-mai à l’intérieur du pays.

Morphologie

Les parties souterraines des orchidées subsistent pendant la période de repos végétatif et sont associées à des « mycorhizes », des champignons microscopiques vivant en symbiose avec l’orchidée. Ces parties peuvent être constituées de « tubercules » qui stockent les nutriments de la plante pendant sa phase « active, puis se rident en libérant les substances nécessaires au redémarrage de la plante après sa période de repos. Certaines orchidées, comme Cephalanthera longifolia, possèdent des rhizomes, tandis que d’autres, surtout les espèces tropicales, développent des pseudo-bulbes.


Tige, feuilles et fleur

La tige des orchidées de Tunisie est invariablement unique, dressée et non ramifiée. Les feuilles sont toujours « simples », dépourvues de « pétioles », entières et dotées de nervures parallèles, formant une « rosette » à la base avec des feuilles de tige plus petites. Les fleurs présentent 3 sépales et 3 pétales, dont l’un, le « labelle », se distingue par sa forme et ses couleurs particulières. Certaines orchidées, comme l’Anacamptis longicornu (Cap Bon), possèdent un éperon. Les organes sexuels, réunis dans une petite protubérance appelée « gymnostème », abritent les « pollinies » (organes mâles) et les « stigmates » (organes femelles). Sur la hampe florale, les fleurs s’ouvrent généralement du bas vers le haut, sauf pour l’Orchis simia (El Kef), dont les fleurs s’ouvrent du haut vers le bas.

Pollinisation

La reproduction des orchidées est particulièrement unique. Contrairement à la plupart des fleurs qui produisent du « pollen » (cellules reproductrices mâles) transporté par le vent pour féconder l’ovule via le stigmate, les orchidées possèdent une « anthère » unique contenant généralement deux « pollinies », de petits amas de pollen portés par une minuscule tige munie d’une « pastille collante ».

Des insectes pollinisateurs, attirés par la forme, les couleurs, l’odeur, les pilosités du labelle ou le nectar de la fleur, se posent sur elle pour une « pseudo-copulation » ou une absorption de nectar, permettant ainsi aux pollinies de se coller sur leur tête ou thorax. Ces insectes déposent ensuite les pollinies dans une autre fleur.

Environ 70 % des orchidées sont pollinisées par des insectes trompés par le mimétisme, 5 à 6 % sont « «auto-pollinisées », 6 à 7 % produisent du nectar, et 15 à 20 % ne sont pas encore bien connues.

 

Après la pollinisation, les fleurs se fanent rapidement. Le « pédoncule » des fleurs, en réalité l’ovaire, grossit après la fécondation, permettant le développement des graines.

Ces minuscules graines, mesurant de 0,2 à 0,6 millimètres, se dispersent en grand nombre dans l’air et sont souvent transportées par le vent, parfois sur de grandes distances à travers la Méditerranée.

Germination

Les graines d’orchidées, dépourvues de tissu nutritif, ne peuvent germer qu’à condition d’atterrir sur un sol qui répond à leurs exigences en termes d’exposition, de nature et d’humidité, et qui contient impérativement un champignon microscopique nécessaire à leur symbiose. Ce champignon apporte la nourriture nécessaire à la graine au début de sa vie, tandis que champignon et graine se protègent mutuellement des agressions du sol. La graine atteint sa maturité environ un à trois mois après la pollinisation. Après la germination, la plante mettra de trois à douze ans pour fleurir. Selon les espèces et les conditions, certaines orchidées ont une durée de vie très courte après avoir produit des graines, tandis que d’autres peuvent vivre plus d’une centaine d’années.

Comment les reconnaître ?

Les orchidées se trouvent dans divers habitats tels que les garrigues et les maquis, où la végétation est composée de cistes, de genêts, de calycotomes, de bruyères, de myrtes, d’arbousiers, de lentisques et d’asphodèles. Elles poussent également dans les forêts et leurs lisières, principalement constituées de pins d’Alep, et parfois de chênes et de pins parasols sur des sols acides. On les rencontre aussi dans les pelouses ou prairies pâturées, ainsi que dans les rares zones humides.

Les principaux genres d’orchidées de la région de Ghar El Melh sont : Les Ophrys, Les Orchis, Les Anacamptis et Les Sérapias.

Comment les protéger ?

En Tunisie, toutes les orchidées ne sont pas en danger de disparition. Certaines espèces sont bien réparties dans la partie nord du territoire, notamment au nord de la Grande Dorsale. Les moutons, les chèvres et les vaches consomment ces orchidées, mais elles ne sont menacées que par la modification ou la disparition de leur habitat, souvent due à un surpâturage calamiteux.

Anacamptis collina
Anacamptis papilionacea
Himantoglossum robertianum
Ophrys aspea
Ophrys bombyliflora
Ophrys flammeola
Ophrys funerea
Ophrys iricolor
Ophrys lutea
Ophrys battandieri
Ophrys marmorata
Ophrys scolopax
Ophrys speculum
Ophrys tenthredinifera
Orchis anthropophora
Orchis intact
Orchis italica
Serapias parviflora

Par Alix Martin